Charlène Favier : « Pour moi le cinéma, c’est aussi la rencontre humaine »

Charlène Favier : « Pour moi le cinéma, c’est aussi la rencontre humaine »

12 janvier 2021 Non Par Margaux Legras-Maillet

Interview

Dans le cinéma comme au quotidien, Charlène Favier ne peut s’empêcher de raconter l’humain.

Slalom, c’est l’histoire de Lyz, 15 ans, en ski-études qui se retrouve sous l’emprise de son entraîneur Fred. Dans ses films – Slalom, sorti le 16 décembre dernier et Label Cannes 2020, mais aussi auparavant, Odol Gorri, Omessa ou encore Free Fall –  Charlène Favier s’interroge sur la nature humaine, tente de la comprendre, sous tous ses aspects.

« J’ai encore besoin d’expulser une colère et une incompréhension. Mes films ne sont pas des manifestes et je ne juge pas mes personnages, mais je veux que les gens se posent des questions. J’essaie de disséquer la violence pour comprendre d’où elle vient, et parfois je lui trouve des excuses parce que si elle existe, c’est qu’il y a une raison. »

Eduquée par sa mère comme une femme forte et indépendante, elle interroge aussi la féminité, la maternité, la quête de soi et puise dans son histoire personnelle pour nourrir ses personnages.

Charlène favier, cinéaste, tenant sa caméra dans la neige sur le tournage de Slalom - photo portrait

« On se rend compte qu’il y a plein de choses à creuser. Les inégalités, le patriarcat. Je ne suis pas militante, ça ne m’a jamais branchée, mais mon travail le devient malgré moi. Je ne me suis pas dit que j’allais faire un film sur les abus sexuels dans le sport (Slalom). Au début, je ne me suis pas rendu compte de ce que j’écrivais, ce sont les autres qui me l’ont dit, et j’ai presque failli arrêter à ce moment-là. Il y a des thèmes comme ça et je n’arrive pas à faire des films sur autre chose. Pour moi, le cinéma, c’est aussi la rencontre humaine. »

Charlène Favier sur le tournage de Slalom.
Crédit photo : @Dann

Un parcours du combattant

Une curiosité qui remonte à l’enfance. Charlène grandit entre Bourg-en-Bresse et Val d’Isère. Ses parents lui font découvrir le théâtre et les arts au sens large. Très tôt, elle quitte le cocon familial pour partir à l’aventure.

« J’ai eu envie de découvrir le monde. Je ne voulais pas rester dans un schéma classique et mes parents m’ont toujours encouragée dans cette voie ». Népal, Australie, Nouvelle-Zélande, Etats-Unis … « Il y avait quelque chose de très expérimental. J’ai pris ma caméra et j’ai compris que raconter des histoires pouvait devenir un métier ». En Australie, à tout juste 23 ans, elle s’installe pendant quelque temps dans une communauté hippie et filme pour la première fois.

Raconter des histoires, Charlène y croit dur comme fer, c’est le métier qu’elle veut faire. Mais, rapidement, elle se rend compte qu’elle n’a rien du parfait profil de cinéaste. « J’ai vite compris qu’il fallait apprendre parce que j’avais plein de lacunes. Je n’étais pas cinéphile et je n’avais même pas la télé chez moi. J’étais plus une fille de l’extérieur. Mais, comme ma mère m’emmenait beaucoup au théâtre, j’ai commencé à me documenter et à 25 ans, j’ai monté ma boîte de prod (Charlie bus production) à Bourg-en-Bresse. »

Autodidacte, inconnue dans le monde du cinéma, elle a mené un véritable parcours du combattant, pendant près de dix ans. Comme si cela ne suffisait pas, Charlène a aussi longtemps été stigmatisée pour ses origines. « J’étais la provinciale de Bourg-en-Bresse qui n’avait pas fait d’école. Ça me pesait, et plus je me professionnalisais, plus on me faisait comprendre que je n’étais pas dans les clous. L’utopie serait que tout le monde puisse faire du cinéma. »

Ateliers d’écriture

Charlène n’oublie pas d’où elle vient et elle aide désormais les autres à raconter leurs propres histoires. En 2016-2017, elle anime des ateliers d’écriture et d’improvisation avec des jeunes de quartiers prioritaires.

« J’ai vraiment l’envie de partager. Je me suis faite toute seule et dans mon parcours, j’ai rencontré des personnes qui m’ont tendu la main. Je pense notamment à Jean-Jacques Bernard (journaliste et critique de cinéma décédé depuis) que j’ai rencontré chez La Jeanne à Bourg-en-Bresse. Et j’avais envie de faire la même chose, les guider et leur donner un peu de courage. »

C’est Claude Mouriéras, réalisateur-scénariste, de La CinéFabrique, qui lui soumet l’idée. « J’aurais connu cette école à 18 ans j’y serais allée ! Il y a quelque chose de très alternatif et j’ai sauté sur l’occasion. On s’est retrouvés avec des jeunes de Bourg-en-Bresse pour écrire un film et ça a été une expérience inoubliable. Avec Chakib, avec Cynthia… À la fin du film (« Amir et Léa »), on pleurait dans les bras les uns des autres. »

Quels projets après Slalom ?

Aujourd’hui, la jeune réalisatrice poursuit son chemin et a de nouveau des projets plein la tête. Slalom à peine sorti, elle travaille à l’écriture d’un deuxième long-métrage de fiction, un thriller féministe, et de deux séries.

Un saut dans l’inconnu qui l’enthousiasme : « Jusqu’à maintenant, je ne m’intéressais pas trop aux séries, mais depuis le confinement je n’arrête pas d’en regarder et je me suis mise à en écrire. Il y aura des personnages forts, des femmes un peu plus mures, mais qui sont toujours confrontées à des problématiques qui questionnent leur identité, leur rapport à la société, à la maternité ».

Si rien n’est officiel, elle espère une réalisation dans les prochains mois.